Les maux...



                      
                                                          Isabelle Zimmerman.       


Je plains les maux de ceux n'ayant de survie que la rame, lointaine, épuisante, incertaine.
Quelle vague les porte, les transporte et où s'échouent leurs corps vêtus de lambeaux ?

Je plains les maux des vies sans label, premier prix, anonymes de tout bord, sans or ni rêves, démunis face à un devis de désir dont les pages dactylographiées se fondent sur un écran d'ordinateur d'aéroport en panne.
Il n' y a pas de papier au numéro que vous avez demandé, pas d'envol, pas de liberté.
Rien ne s'imprimera.
On croit se rencontrer et on se perd déjà.
Dédales.
Vague à l'âme.
Absence de mots.

Je plains les maux des belles et langoureuses amoureuses de sumos qui, lasses de chair flasque s'en vont guetter ailleurs des visages creux, des faces inertes, des torses décharnés , petits pieds enrichis d'uranium mortifère, cherchant dans les décombres une lueur d'espoir là où la folie du monde a semé le désert.

Je plains les maux de ces faux homo Sapiens Sapiens qui ont oublié de décliner leur savoir , incertains qu'ils étaient, se sentant incompris, peinant à se confier, à déclamer la vie, l'envie de jours meilleurs, incapables de réagir.

Je plains les mots gravés, ceux des statues de marbre écorchés par le temps, démontés par la haine, ceux des tombes poussiéreuses et vides de boutons de roses.
Je plains les traces que leur vie achève, déserte,  dans nos regards vidés de tout souvenir.
Je plains les maux des enfants  qui trébuchent et se relèvent seuls, égratignés dès la naissance.
Je plains les maux des primo arrivants dans les pays d'indifférence qui ne les accueillent pas.
Je plains les maux des douleurs anciennes qui restent hématomes béants sur les corps dénudés et modernes se trémoussant dans les raves pendant que sur les côtes s'échouent les survivants des parties de cache-cache.

Il n'existe aucun mot pour énoncer ma plainte.

Je plains des maux sans nom, mais je pense à eux comme si ma parole pouvait vainement en sauver quelques-uns et cette pensée parfois se nomme honte du genre humain.

Annick SB      Janvier 2013  

Avec les dix mots d'un ami :
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8 commentaires:

  1. comment d'une liste banale de mots issu de l'imagination torturée d'un ami qui vous veut du bien, on fait un texte fort et fort beau....

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    1. Alors vive la banalité des listes !!! J'espère qu'il y en aura d'autres ...

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  2. Chapeau..et beau dimanche. amicalement

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  3. il y a de quoi les plaindre ces mots( maux) surtout qu'ils cachent derrière certaines de leut couleur des toiles qui me dérangent fortement. J'espère que tes futurs mots sernt plus joyeux et tout aussi beaux que ceux ci

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    1. J'ai découvert cette peintre par hasard ; tu connais pas manière de procéder : j'écris et je cherche les illustrations ensuite !!! et perso j'aime vraiment beaucoup le désarroi qui suinte de ces toiles ! Ces regards perdus ... J'aimerais bien pouvoir voir un expo de sa peinture .

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  4. J'aime beaucoup : les mots et le tableau.
    Bonne soirée.

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