Maman, tu aurais eu 91 ans aujourd'hui !
Je relis ce texte que j'ai écrit pour toi il y a quelques années avec toujours autant d'émotion...
D’un océan à l’autre, je dis la nuit
La nuit
paisible
Paisible et
immobile, miroir sans tain
Teintée de
rêves qui me bercent, les flots gentiment me balancent
La surface
froide et froissée se meut sans rien laisser paraitre
Je navigue
vers le Pacifique
Chimères
Les vagues
ne se déchainent plus
Tu as
disparu
Oh ma mère !
Ephémère
comme toutes les autres
Tu es partie
on ne sait où
As-tu coulé
sous les flots noirs ?
T’es-tu
enfoncée dans l’abîme ?
Tu as voulu
sans laisser trace quitter la Terre, mourir, t’enfouir
Sans aucune
place saisir, sans épitaphe à noircir et je divague quand j’y songe
J’aurai pu
graver sur le marbre tant de mots et tant de baisers
Que le
pardon m’a octroyée
Tu nous
laisses sans appui, le vide est grand
Nos larmes remplissent
les océans
Pour tous,
trop tôt et sans haillon, tu as franchi les horizons …
D’un océan à
l’autre la nuit s’enfonce
Je ne veux
pas que tu te sois perdue
Trop
tôt ; trop tard
Qu’importe
ces paroles
Les couleurs
passent à leur tour
Le bleu
semble devenu noir
Le temps nous
plombe ; être sans toi
Toi si
présente encore pourtant
Je dis la
nuit
La nuit
agitée
Sans voilure
Sans
consistance
Sans parure
Barre jetée
sur le navire qu’aucune ancre ne fait faillir
Dans la
cabine des délires le hublot ne me répond pas
Il a oublié
les soupirs qui accompagnent ton trépas
Je tangue
Je dis
l’amour
Je dis
l’errance
M’entends-tu ?
Ne le
peux-tu pas ?
Le clapotis
des vagues, inlassablement me balance
A la figure
ton absence et ton cœur
Plus jamais
ne bat
Oh, ma
mère !
Mes mots
soupçonnent ton infortune
Et ton
silence m’importune
C’est ce
choix que je ne comprends pas
Mais je
garde un espoir, une promesse
Que Dieu t’a
faite Psaume vingt-trois
Quand tu
feuilletais balbutiante les mots rêvés de vive voix
As-tu
franchi les hautes dunes qui séparent nos deux miroirs ?
M’as-tu
comprise ?
T’es-tu
confiée ?
Où es-tu
maman, où es-tu ?
Je sens des
larmes qui m’inondent
Je dis la
nuit et tu n’es plus
Tu n’as
choisi aucune tombe et je reste là si perdue
Le sable
céleste illumine mes prières et tes oripeaux
Laissés pour
morts comme bannière pour atteindre le bord de l’eau
Le ciel
parfois s’y reflète
Tant
d’étoiles y sont accrochées
Y ‘en aura
bien une pour toi qui brillera pour te sauver
Tirant sa
traîne de lumière, faisant de toi une luciole
Je pense à celles
qui rassurent, au creux des ténèbres, la nuit
Le vagabond
ou bien l’ermite
Le pêcheur
et le bon berger
Celles qui
effleurent nos brumes
Sans corne,
grises, à l’unisson
Guidant nos
désirs et nos manques sur l’océan où luit la lune
Les vagues en
deviennent moutons
D’un océan à
l’autre, soudain tout semble violet
Tout dérape,
tout attend et rien ne respire
Les flots
comme l’herbe coupante
La couleur
des enchantements
Tout se tait
et moi je chavire
Je songe au-delà
des rêves au temps qui ne s’arrête pas
Il existe un
chemin, une trêve
A laquelle
on ne s’attend pas
Prions que
tous puissent le prendre
La peur y
crève, la nuit s’élève
Le souffle
croît et je te vois
La Paix
surgit sans qu’on la nomme
De vagues en
vagues je me perds
Je dis la
nuit et c’est possible
Je le crie à
qui veut bien l’entendre
Ma mère, ne
disparaît pas
Tout
doucement, je t’imagine, je me souviens et je le crois
Nos petits
pas et nos grands rires
Nos
plongeons dans les eaux profondes
Tes mots, saupoudrés
d’embruns salés jetés cahin-caha à la surface d’huile de ces flots apaisés
quand la brise devenait silence
Tes
paupières frétillantes
Ton élégance
et nos fous-rires
Tout y passe
et rien ne me hante
Le plus
grand désir qui m’habite est celui de toujours t’aimer
Il prend
forme dans les vagues lentes qui m’entrainent à te le narrer
Oh Seigneur,
étends la promesse d’une luisante place de Vie, près de ton cœur et sans
détresse quand l’océan mouillé bleuit et que les âmes se dispersent, dans les
flots violets de la nuit…
Annick SB
février 2018
Projet de Mathieu Simonet " La maternité " au Seuil + blog de partage : Clic !
thème des Impromptus littéraires : clic !
est ce ta mère, Annick ? je te lis un peu partout et suis contente de retrouver ta plume habitée, j'ai laissé des coms ici ou là, et un hier ici qui a du s'envoler
RépondreSupprimerOui Emma c'est ma mère ... Elle est belle hein ??? Elle n'a voulu de sépulture ; C'est très douloureux pour nous ; je me console en me disant qu'elle qui était si moderne en a une désormais sur le net : ici et là : http://la-maternite.blogspot.fr/?view=snapshot
RépondreSupprimerMerci de votre passage sur le blog et bienvenue en Haute Loire. Solidarité incluse. Belle découverte de votre blog poétique.
RépondreSupprimerMerci Flocon et Verveine ... j'ai hâte de m'enivrer des deux ;-)
SupprimerBonjour Annick,
RépondreSupprimerDes mots très beaux, un texte profond... Et je lis ce que tu réponds à Emma, et tes mots me bousculent. Elle n'a pas voulu de sépulture dis-tu, aviez-vous parlé de ce choix de son vivant ou avez-vous découvert ses dernières volonté à sa mort ? Belle journée à toi. brigitte
Bonjour , ... de la pudeur à vous répondre ...
SupprimerMerci pour votre passage !
Je suis quelque peu rassurée car j'avais pensé à un suicide en lisant le mot "choix", mais il renvoyait à son refus d'être enterrée, évoqué dans ton texte également. Très beau texte. On est toujours plus inspiré quand on écrit sur ce qui nous touche, et là...Bravo !!
RépondreSupprimerMerci pour ces compliments !
Supprimertrès émouvant, et si intense..
RépondreSupprimerL'amour est émouvant et intense ...
SupprimerBon dimanche Sedna !
Que c'est beau et poignant.
RépondreSupprimerBiz
Merci beaucoup ! Bonne après midi !
SupprimerOn ne peut qu'être ému lorsque on lit ce magnifique poème sur ta mère Annick
RépondreSupprimerMerci beaucoup ! Et bon dimanche !
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