Antonio Puccio, dit PISANELLO
Portrait d’une jeune princesse, vers 1436-1438 : Clic !
En l’an 1437 ou peut-être même quelques années auparavant, je ne sais plus très bien, vivait
dans nos contrées une très jeune fille, tendre de cœur et humble d’esprit qui
était passionnée par une seule chose dans ce monde : l’imagination.
Les journées
de labeur succédaient pourtant aux journées de labeur et aucune distraction ne
semblait pouvoir poindre dans l’environnement épuisant qui était le sien.
Il fallait faire
des travaux ménagers, jardiner, ôter la mousse des murets pour ne pas qu’ils
s’effondrent, gratter les pierres du chemin pour ne pas le voir submergé par la
boue qui coulait de part et d’autre quand la pluie ruisselait si fort que
l’espérance de jours meilleurs s’amenuisait.
Il fallait nourrir les poules, les oies, les coqs, porter les fagots, préparer la soupe et attendre le soir pour enfin rêver, si le sommeil profond ne l’emportait pas sur les pensées…
Pourtant, notre jeune fille, qui se nommait Philippine, était toujours souriante, gracieuse, paisible.
...
Il advient
aux oreilles de la princesse Lucia, qu’une jeune femme de son royaume
avait, si ce n’est un pouvoir mystérieux, au moins un talent particulier.
Lucia, fort curieuse comme le sont généralement les princesses enfermées dans de grandes et froides forteresses, voulut rencontrer la jeune paysanne et demanda à sa dame de compagnie de partir à sa recherche dans un rayon assez large autour du château. Si elle la trouvait en moins de sept journées, la princesse lui offrirait une belle et noble récompense : une bague en or sertie d’une émeraude. Cunégonde, la dame de compagnie, fut ravie de rendre ce service à sa maitresse et arpenta chaque recoin des différents patelins de la contrée.
Lorsqu’on
sût précisément dans quel hameau habitait Philippine, la princesse, n’écoutant que
son cœur, se rendit au galop dans les champs avoisinants, un matin du mois
d’avril pour lui parler. Elle descendit de selle, sitôt l’avoir trouvée.
Je vous
passe la scène des souliers de vair crottés par la boue du fossé, celle de la fine
dentelle de la robe arrachée par les branches basses des arbres et des haies ;
je vous passe également la tête de la plupart des paysans voyant avancer sans
scrupule ni crainte leur princesse au milieu du champ, mais après quelques
déboires salissants, Lucia put saluer Philippine.
Fait étrange
c’est la princesse qui, la première, fit une révérence car déjà la mine réjouie
de la jeune paysanne était prometteuse.
Le soleil
était encore bas, les chapeaux inutiles et le renouveau du printemps annonçait
un labeur bien plus fatigant que celui de l’hiver.
Tout était
vert, tout semblait pur et Philippine resplendissait.
Lucia lui
proposa de la suivre pour lui expliquer ce qu’elle attendait d’elle. La
princesse eut peur quelques instants de la réaction et du refus de la jeune
fille. Philippine accepta, sourire aux lèvres et les voilà toutes deux, élancées sur
le cheval de Lucia.
Arrivée au château,
la princesse monta dans sa chambre et invita Philippine à la suivre.
-
Il
parait lui dit-elle que vous souriez toujours, que vous êtes heureuse, chaque
heure de la journée, et que vous ne vous ennuyez jamais. Est-ce vrai ?
-
Vrai
de vrai, répondit la jeune fille.
-
Il
parait également que vous ne râlez pas, n’êtes jamais épuisée et que vous avez
toujours un refrain joyeux au bout des lèvres. Est-ce vrai ?
- Vrai de vrai, répondit encore Philippine.
-
Pourriez-vous
me confier votre secret ? Je m’ennuie souvent dans ce château, les
journées sont longues et j’aimerais moi aussi goûter la joie parfaite …
-
Princesse,
vous arrive-t-il d’inventer osa demander la jeune paysanne ?
-
Inventer ?
Qu’est-ce à dire ?
- Eh bien par exemple vous arrive-t-il d’inventer … euh …
Un bal où vous iriez danser avec des tresses, vous qui êtes princesse ?
Un matin ou vous dégusteriez du pain frais sur lequel coulerait du miel doré ?
Ou bien une chanson de tendres amants que vous fredonneriez, vous qui étudiez le chant ?
Ou encore un livre secret que vous rédigeriez toute seule, vous qui
avez appris votre alphabet ?
-
Euh ?
Lucia se gratta le menton pour réfléchir. Il y avait bien, au château, des bals organisés
chaque semaine ; les participants étaient maquillés et habillés avec
outrance, la musique forte, les violes déchainées ; cela ne la faisait pas
rêver. Le pain frais, ce n’est pas ce qui manquait ici ! Ses cours de
chants étaient donnés par un musicien vieillot, Messire Soldo, qui lui faisait
faire des vocalises, des vocalises et encore des vocalises avant de l’inviter à
fredonner des airs désuets. Quant à l’écriture, n’en parlons pas, il fallait
recopier des pages et des pages à la plume d’oie sans rature ni pâté et ne
jamais rien inventer d’amusant ou de plaisant. Cela faisait même peur quand on
prenait le temps d’y songer. Alors la princesse osa une question :
-
Comment
faites-vous ? Quel est votre secret pour que tout soit si léger ?
-
Je
vais vous expliquer dit la jeune paysanne ; mon secret c’est l’émerveillement.
De toute chose que je regarde ou que j’entends, je fabrique une petite beauté
et je la mets en mot dans mes pensées, je la cache, je la chéris, je la berce dans la nuit, comme si je
semais une petite graine, une petite graine prête à germer et à se transformer
en sourire, pour l’éternité.
C’est ainsi que la princesse Lucia obtint le cadeau le plus précieux qu’elle n’ait jamais reçu. Elle comprit de surcroît la signification de ce verset dans l’épître aux Philippiens que l’abbé lui avait demandé de méditer le mois dernier :
« Ne
faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l'humilité vous
fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes... »
Annick SB mars 2021
Thème d'écriture chez Emilie : Clic !
Une belle invitation à voyager dans sa tête, lire, écrire, dessiner, peindre....
RépondreSupprimerL'art avant toute chose ....
SupprimerUne belle leçon de vie. Le pouvoir de l'imagination qui permet de s'évader ou de peindre la vie ne rose.
RépondreSupprimerTrès jolie histoire
;)
La vie en rose : OUIIIIIIIIII !!!!
Supprimerhttps://prose-poetique-avec-dix-mots.blogspot.com/2020/11/la-professeur-de-piano.html
bon week end
tu as été fameusement inspirée, dis donc!
RépondreSupprimerC'est venu tout seul, probablement parce que j'ai été instit toute ma vie pro !!! ;-)
SupprimerQuelle inspiration ;-)
RépondreSupprimerMerci ! Bon w end !
SupprimerBon jour,
RépondreSupprimerIl paraît que l'imaginaire est faite femme :)
Max-Louis
On le dit .... ;-)
SupprimerL'évasion fertile de quelques lignes !! Ah que c'est beau Annick !
RépondreSupprimerMerci Ghislaine !
Supprimerbon w end !!!
Un bien joli conte, qui nous enseigne la loi de la semence, en effet on récolte ce que l'on sème si l'on veut être heureux, on doit en première intention planté la graine du bonheur et ensuite l'entretenir
RépondreSupprimer" Mettez dans votre coeur et dans votre âme ces paroles que je vous dis. Vous les lierez comme un signe sur vos mains, et elles seront comme des fronteaux entre vos yeux. Vous les enseignerez à vos enfants, et vous leur en parlerez quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. " Deutéronome 11 . 18- 19
SupprimerBelle et modeste Philippine qui sait goûter le sel de la vie et le beauté.
RépondreSupprimerBon dimanche
Je ne m' y connais pas assez en Histoire médiévale pour savoir si oui ou non une telle joie était possible à cette époque vu la vie très laborieuse de certains, mais je me plais à l'imaginer ....
Supprimerl'humilité, une qualité à remettre à l'ordre du jour car elle manque à beaucoup. Merci pour cette jolie histoire dans les frondaisons de l'imaginaire
RépondreSupprimerL'humilité et l'amour, deux belles valeurs essentielles oui ....
SupprimerTrès jolie histoire !
RépondreSupprimerBon week-end.
Lydia (blog : https://promenadesculturelles2.wordpress.com)
Merci et bon w end à toi aussi Lydia !
SupprimerTres belle inspiration suscitée par ce tableau.
RépondreSupprimerBon week - end
Merci Jazzy57 ; mais ce n'est pas le tableau qui a suscité le texte ; c'est l'inverse. D'abord j'écris et ensuite je cherche une illustration ( sauf pour les défis photos ou images bien sur !)
SupprimerLà j'étais ravie de trouver une princesse qui s'appelait Lucia ! j'ai juste changé la date du mini-conte pour que ça corresponde à cette époque !
Bon w end !
Un joli conte et une belle conclusion.
RépondreSupprimerJe dois avoir beaucoup de Philippinne en moi... ;-)
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Quelle belle morale ! S'émerveiller à chaque instant n'est pas à la portée de tous mais en s'y appliquant, ce doit être possible ! Trouver les petits bonheurs qui ne manquent pas de jouer à cache-cache avec nous, est un bon exercice à pratiquer sans modération. Mignonne Philippine ! J'espère que la princesse aura compris le message. Bonne soirée.
RépondreSupprimerIl fallait que je revienne en arrière. un petit clic pour venir à mon tour m'émerveiller, comme Philippine, la jeune paysanne heureuse de ces petits riens q dont elle fait de grandes joies !
RépondreSupprimerComme je le dis souvent "Qui se contente de peu, s'enrichit d'un rien"
Moi, c'est de la facilité que tuas à créer du beau et de la vie à travers les mots, que je m'émerveille !