Quelques œillets ...

 


Raphaël - La Madone aux œillets - Clic !


« Cet enfant sera poète », pense la Madone.

« Je le sais, je le sens », se dit en souriant cette mère éternelle.

Complicité des sens

Essence de la vie

Virage de l’amour

Amour passion

Passion du Christ

Je la perçois déjà dans la douceur de son regard cette passion à venir

Dans ses gestes je ressens l'abandon parfait et cette destinée où tout sera sourire et Paix…

Dans leurs mains des œillets, de simples œillets à partager

Graines, souffle, vie

Poète je vous dit, et semeur de belles choses, de bonne nouvelle, de joie, d’amour

« Cet enfant sera poète », pense la Madone.

Et moi je la crois en observant la toile

La poésie change le monde

J’écoute les couleurs

Les tissus me caressent

Sensation

Liberté

Tout est déjà dans ce petit bouquet

Plaisir, désir, confidences, repentance, délivrance

Je sors du champ de ruines qui voulait m’enfermer

Croix de bois, croix de fer, je n’irai jamais en enfer

Confidences

Confiance

Sauvée par les mots, par ses mots, par ce regard sur moi et par la foi tout simplement ma foi !

Quoi de plus beau que le Verbe ?

Quoi de plus beau que la Parole ?

Douceur de cet échange

Commencement sans fin

Je sais enfin…

« Cet enfant sera poète », pense la Madone.

Poète qui sauve le monde.

Et moi, je la crois…


Annick SB  mai 2025 ( réécriture )


...


« Cet enfant sera poète », pensa la Madone.

« Je le sais, je le sens », se dit en souriant cette mère éternelle.

Quoi de plus beau que le verbe ?

Quoi de plus beau que les mots ?

Lui, clamera l'Amour, le vrai, le tendre

Je le vois dans la douceur de son regard, et dans ses gestes je perçois l'abandon parfait, la passion à venir et cette destinée où tout sera sourire et Paix…


Annick SB   décembre 2020




Le tableau du samedi chez Lilou : Clic !


Décennies...

 


                                                                                            Hector GUIMARD - musée des arts décoratifs -


 

1966

 

Nous partageons la même chambre.

Tes prières me protègent, mais je n’en ai pas encore conscience.

Ta voix est douce comme une guimauve ; tu me racontes des histoires, le soir, avant de m’endormir.

Je ne sais pas encore bien lire.

Ta peau ridée, fripée, sent la violette. Ton cou est un refuge à bisous.

Je t’aime…

Tu es ma gourmandise, ma mémé chérie.

Ton être tout entier chante bénédiction et patience…

Je vois dans les plis de ta peau, dans tes paupières fragiles, et surtout dans ton sourire, que tu as vécu, bercé, protégé, aimé et souffert aussi, mais ça c’est une autre histoire que je ne veux pas raconter. Elle t’appartient.

Je contemple ton ventre dodu quand tu enlèves ta gaine avant d’enfiler ta chemise de nuit délicatement fleurie.

Tes lèvres chuchotent et adorent.

Quelle grâce d’être venue de toi et de partager ta chambre haute ; quand les disputes des autres membres de la famille cassent nos tympans, toi, silencieuse, tu confies en pleurant.

Mémé chérie !

 

1976

 

Il y a une cloison désormais dans cette grande pièce qui fut notre chambre.

D’un côté mes deux frères, de l’autre moi, dans un espace à la tapisserie très vive, trop vive ; c’est mon logis, mon refuge d’adolescente.

Silence.

Secrets…

Toi tu es descendue au rez-de-chaussée, plus pratique d’accès pour une mémé.

Ta chambre sent toujours la violette.

Je me sens seule à l’étage.

Je descends souvent te voir, te parler et rire, de tout, de rien, de nous !

J’apprends par bribes à mieux connaître le siècle dernier.

Il me tente et m’effraie.

 

1986

 

J’ai quitté la maison depuis quelques années.

Quel plaisir de te retrouver pendant les vacances d’hiver avant le drame printanier qui m’a fait saisir, dans un tumulte inouï, toutes les souffrances que nous partageons désormais.

L’absence de l’être aimé irremplaçable est une chose de plus que l’on a traversé toutes les deux.

Présence, absence, terreur, drame, lassitude.

Plomb.

Que sont tes rides devenues ?

Les miennes se cachent encore.

 

1996

 

Tu me manques.

Ta peau me manque.

Ton sourire me manque.

Ton doux parfum me manque.

Tes yeux rapetissés et désormais clos me manquent.

J’aurais tellement aimé que tu sois centenaire et que tu connaisses tous mes enfants.

 

2006

 

Je me suis rendue au cimetière de notre petit village.

Je regrette qu’il n’y ait pas de croix sur ta tombe ; ce n’est pas vraiment un regret ; c’est un triste constat qui dénote cet irrespect permanent dans notre famille ; le Christ, Lui, nous comprend mémé, et c’est ça l’essentiel.

Je saisis l’irrévérence dont tu as été victime jusqu’à ton dernier souffle et, paradoxalement, ça me donne envie d’organiser des choses dans le futur.

Ta douleur, à jamais dans mon cœur…

 

2016

 

Tu m’avais dit un jour : « Le mariage c’est comme la variole, on ne te vaccine qu’une fois. »

J’y repense souvent dans mes égarements.

La formule me faisait alors éclater de rire.

C’était le bon temps de quelques confidences osées !

 

2026

 

Je vais proposer des ateliers d’écriture sur le souvenir.

« C’est avant tout à toi-même qu’il faut être fidèle, et il s’en suit que, comme la nuit, le jour, tu ne pourras plus être faux envers personne. » William Shakespeare

On a tant et tant de choses à dérouler pour atteindre la liberté, n’est-ce pas ?

 

Annick SB    mai 2025


Consigne d'écriture animés par Laura Vazquez : Clic 

C'est terminé...

 



Il est dix-sept heures.

Elle va sortir de la salle de bain.

Quand elle s'est brossé les dents, elle a laissé des traces de dentifrice sur le miroir.

De touts petits points blancs, de subtiles éclaboussures qui l'agacent. 

Donc, avant de quitter la pièce, elle les essuie, une par une avec une chiffonnette.

Elle est perfectionniste ; par force.

C'est important d'avoir une salle d'eau impeccable, un miroir sans souillure.

Il faut que ça luise.

Son image ne doit pas être ternie. 

Tout doit être impeccable.

Il ne faut pas qu'il soit déçu.

Elle respire, lentement et bruyamment.

Elle fait exprès de respirer comme une locomotive.

Elle prend des forces.

Elle va y arriver.

Ce soir.

C'est sûr.

Ce soir elle va y arriver.

Elle retourne dans la cuisine.

Le gâteau est moins réussi qu'elle ne l'avait espéré. Elle s'efforce de ne pas y attacher d'importance. Ce n'est qu'un gâteau après tout. Rien qu'un gâteau. *

C'est ça qu'elle va lui dire, très fort.  

Comme une morsure, comme un crachât.

Avant qu'il la ramène, elle va crier.

Ce n'est qu'un gâteau, alors ne râle pas si la croûte est trop brune !

Ne râle pas s'il n'est pas réussi!

Ne râle pas tout le temps!

Arrête de râler !

Arrête !

Tu entends ? 

Arrête !

Stop !

...

C'est terminé.

Il jette le gâteau dans la poubelle.

Sans un mot.

Il n' y a pas goûté.

Il sort de la cuisine, s'assoit sur le canapé et allume la télévision.

Elle reste muette, les yeux plein de larmes, déçue de ne pas y être arrivée...


Annick SB     mai 2025


Je dédie ce texte aux femmes victimes de pervers : Témoignages 

* Citation tirée du livre " les heures" de Michael CUNNINGHAM

Selon la saison…

 

                                                                              source de l'image : Pinterest 


Le voyage du village au hameau pouvait durer toute une journée en fonction de la météo.

La charrette avançait lentement sur le chemin de montagne.

Le vieux cheval plein de courage, mais sans force, la tirait péniblement.

Parfois, pour le soulager, Adèle demandait à ses petits de descendre et d’avancer à pied sur les cailloux. Ils en ramassaient quelques-uns et les mettaient dans leurs poches. Bien sûr, il ne se prenaient pas pour le Petit Poucet, mais ils savaient qu’à l’arrivée, une jolie rivière leur permettrait de faire quelques ricochets avant le souper.

Selon la saison, ils en profitaient pour cueillir un bouquet de jonquilles, une poignée de mûres ou des branches de houx. ; quel plaisir ce serait d’offrir tout ça à Mamounette !

Mamounette était la grand-mère la plus extraordinaire qui soit ; et c’est pour cela qu’une fois par mois ils allaient lui rendre visite avec grande joie. La famille ne manquait jamais ce rendez-vous. La charrette était chargée de légumes, de fruits secs, de pelotes de laine, de tout ce qui ferait le bonheur de la vieille dame.

La mémé habitait une vieille masure isolée à quinze kilomètres du village. Elle refusait pour l’instant d’aller s’installer dans la bourgade, prétextant les contacts obligatoires et les conversations inutiles qui allaient nuire à sa tranquillité ; elle disait toujours, avec une pointe d’exagération que les langues de vipères du village faisaient un vacarme tonitruant !

Mamounette aimait le café, les crêpes et surtout le silence qu’elle rompait uniquement à l’aide de son accordéon, hérité de son grand-père roumain et qui avait fait dansé des milliers de personnes dans les soirées « bals musette » de jadis.

Mamounette ne cultivait pas la nostalgie et aimait vivre au jour le jour ; ses souvenirs ne regardaient qu’elle et pourtant, depuis quelques temps, elle souhaitait transmettre certaines choses à ses petits-enfants. Des choses de la plus haute importance.

Le problème c’est qu’elle ne savait pas par où commencer …

Ce mois-ci, elle décida de leur raconter un de ces souvenirs marquants ; elle hésitait encore ; allait-elle commencer par celui du rideau, du bol ou du poisson.

Elle s’assit donc sur le fauteuil en face du poêle à bois, ferma les yeux et demanda conseil en joignant les mains…

 

Annick SB    avril 2025


(logorallye : poisson, rideau, tonitruant, charger, café, montagne, bol, jonquille, accordéon, crêpe, caillou, chemin, voyage, courage , soirée, sagesse )

A tout jamais...

 

 




Il était chercheur d’or et moi chercheuse de cœurs

Nous rêvions

Nos rires étaient d'argent et nos sommeils vivants, vivants d'amour

Et quand il faisait froid, je lui parlais des mers de diamants étincelants que les prés et les champs nous offraient 

Et il riait, pressé de remettre les pieds dans l’eau vive pour m’éclabousser

On chantait la lumière à l'unisson, en toute saison

Lui me parlait de rivière, de torrent 

Moi, je fredonnais des airs légers et enivrants comme les petits flocons qui tombent lentement quand souffle la bise l’hiver

 

C'est la faute au pylône s'il n'a pas eu le temps de trouver des pépites

 

J’ai cherché longtemps dans des songes, dans des rêves troublants ce qui pouvait expliquer l'inexplicable, la perte, l'effroi, l'obscurité, le néant

Comme j'aimais le froid, je me suis réfugiée dans des contrées glacées, scintillantes et lumineuses pour souffler, me reposer et cesser cette quête éperdue


C’est ainsi que tout a commencé  

 

Je n'ai rien oublié


Le flou des souvenirs m’a transportée vers des lieux calmes et silencieux

Les traces sont apparues, les unes après les autres

Au début, ça me troublait

C’était comme si je feuilletais un album photo aux pages abimées, échouées sur le sable mouvant des souvenirs qui flottent

Je me noyais 

Je survivais pourtant et atteignais un rivage glacé sur lequel j’ai pu me poser, tel un radeau qui dérive et se jette sur un rocher

La mer sépia ouvrait sa profondeur et s’évaporait sans un mot dans un tourbillon qui soudain ne bougeait plus

Je reprenais mes esprits et j'avançais en flottant

De vagues en vagues, bercée, tout doucement, j'ai pu me recueillir, oui, vieillir, aimer, accueillir ces remontées d’images et de frissons mouillés et salés

Je suis devenue heureuse, malgré tout

Il était chercheur d’or et moi chercheuse de cœurs


J’avance encore ; ma cadence se fait lente, langoureuse, précieuse

Je suis amoureuse à tout jamais…

 

Annick SB    janvier 2025