Il y a un an environ, Hélène a décidé de devenir une artiste féministe immobile ; elle en a ras le bol du monopole intellectuel et de l'agitation de certains ; expositions et émissions aux quatre coins du monde ... bla bla bla stérile et vain.
Elle pense que Bazin a raison de dire que :
" Le plus important n'est pas ce que nous faisons mais l'esprit qui nous meut. Faire la lessive ou écrire un roman, bien souvent le romancier sera moins grand et méritant que la femme qui bat son linge. "
Elle déclare haut et fort à qui veut l'entendre qu'elle aussi vit l'art dans ses tripes comme tant d'autres en battant son linge justement... sans bouger et depuis fort longtemps.
Hélène aime par dessus une citation d'Eugène Delacroix, qu'elle a apprise par cœur comme un poème.
" La couleur est par excellence la partie de l'art qui détient le don magique. Alors que le sujet, la forme, la ligne s'adressent d'abord à la pensée, la couleur n'a aucun sens pour l'intelligence mais elle a tous les pouvoirs sur la sensibilité. "
Hélène est sensible, à fleur de peau et à défaut de septième ciel ces derniers temps, elle a choisi le septième art pour s'envoyer en l'air.
Elle avait pensé aux autoportraits mais c'était trop prêt.
Elle avait pensé aux arbres, mais c'était trop loin.
Il lui fallait trouver la bonne distance entre elle et le sujet.
Un matin, en ouvrant la fenêtre de sa salle de bain, elle a eu une idée simple et magique.
Désormais, chaque jour, elle entrouvre cette fenêtre qui donne dans un immense jardin et elle guette.
Souvent, elle voit passer quelques chats du quartier qui l'ignorent. Leur autonomie l'amuse.
Parfois, elle aperçoit un homme au loin qui ouvre la porte de son garage.
Lui, il ne l'amuse pas.
Il ne lève jamais la tête; ça doit être un terre à terre et elle, elle aime les illuminés, les rêveurs...
Certains jours elle peut créer.
Elle retourne à la hâte dans sa chambre, sort de l'armoire le N90 qu'elle s'est offert, zoome et appuie sur l'obturateur comme si c'était la gâchette d'un pistolet. Clic clic clic clac !
C'est violent.
Hélène a remarqué que le quotidien qui représente souvent la féminité est fait d'unions de couleurs et de senteurs enchantées.
La magie du propre et l'harmonie des couleurs pour parer, cacher, protéger la peau justement.
Chaque jour, Hélène photographie le linge qui pend sur les fils ; puis elle détourne les clichés en collage, peinture, broderie, mêlant l'humour et le rêve, l'épaisseur et la profondeur, les lumières et les ombres, jouant avec les lignes et emmêlant les fils à sa guise...
Je vais vous faire une confidence ; vous découvrirez son exposition dans quelques jours ; elle vous enverra un petit carton d'invitation non pas en bristol, c'est trop lisse, non pas en Canson, c'est trop granuleux, mais en tissu et rubans de couleurs vives et assorties à l'idée qu'elle se fait de vous...
Guettez vos boîtes aux lettres.
La magie n'est pas loin...
Annick SB septembre 2009
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