Il est dix-sept heures.
Elle va sortir de la salle de bain.
Quand elle s'est brossé les dents, elle a laissé des traces de dentifrice sur le miroir.
De touts petits points blancs, de subtiles éclaboussures qui l'agacent.
Donc, avant de quitter la pièce, elle les essuie, une par une avec une chiffonnette.
Elle est perfectionniste ; par force.
C'est important d'avoir une salle d'eau impeccable, un miroir sans souillure.
Il faut que ça luise.
Son image ne doit pas être ternie.
Tout doit être impeccable.
Il ne faut pas qu'il soit déçu.
Elle respire, lentement et bruyamment.
Elle fait exprès de respirer comme une locomotive.
Elle prend des forces.
Elle va y arriver.
Ce soir.
C'est sûr.
Ce soir elle va y arriver.
Elle retourne dans la cuisine.
Le gâteau est moins réussi qu'elle ne l'avait espéré. Elle s'efforce de ne pas y attacher d'importance. Ce n'est qu'un gâteau après tout. Rien qu'un gâteau. *
C'est ça qu'elle va lui dire, très fort.
Comme une morsure, comme un crachât.
Avant qu'il la ramène, elle va crier.
Ce n'est qu'un gâteau, alors ne râle pas si la croûte est trop brune !
Ne râle pas s'il n'est pas réussi!
Ne râle pas tout le temps!
Arrête de râler !
Arrête !
Tu entends ?
Arrête !
Stop !
...
C'est terminé.
Il jette le gâteau dans la poubelle.
Sans un mot.
Il n' y a pas goûté.
Il sort de la cuisine, s'assoit sur le canapé et allume la télévision.
Elle reste muette, les yeux plein de larmes, déçue de ne pas y être arrivée...
Annick SB mai 2025
Je dédie ce texte aux femmes victimes de pervers : Témoignages
* Citation tirée du livre " les heures" de Michael CUNNINGHAM
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