Sur mon balcon...



Je suis sur mon balcon et j'ai l'impression d'être vigile, gardienne, commère, que sais-je encore !
Cela ne me déplaît pas, je l'avoue !
Envie d'écrire une monographie sur cette tragédie et la flemme légendaire qui m'habite me dit de me calmer en regardant le balancement des bourgeons sur les branches.
J'observe, en écoutant les oiseaux chanter ; d'un battement d'ailes, aujourd'hui, ils m'ont délicatement donné la permission de copier leur liberté et rien, je l'espère, ne pourra altérer mon calme. 
Sur la route très peu de voitures, quelques tracteurs mais en revanche plus de camions qu'à l'ordinaire ; le laitier passe à l'heure du laitier ; la vie à la campagne reste bénie.
Je scrute l'air de rien le voisin, qui, muni d'un arrosoir, fait boire ses pensées ; il n'est pas chafouin, mais adorable. Tout à l'heure, il m'a fait "coucou" d'un signe de la main et j'ai répondu par un large sourire et un autre "coucou" ; on ne s'est jamais autant salué que ces derniers jours ! On hurle des "ça va ?" ; on répond en hochant la tête et en se demandant ce que feront le mal et la patience aujourd'hui encore ...
Très tôt le matin, le parfum du printemps s'étale dans l'air et n'est troublé par aucun bruit, aucune pollution ; le soir, c'est dans cette ambiance aussi que le soleil se couche. 
Le silence me plaît.
En lui je perçois la vie, riche, intense, inventive, infinie et mes soupirs sont comme les virgules d'un texte, pauses nécessaires, abris du souffle, cachette.
Ce silence me berce, mais au bout d'un moment je m'entends chantonner pour vivre une présence ; aurais-je moi aussi une légère inquiétude ? 

Le silence deviendrait-il malin au point de me faire rompre le pacte que je croyais avoir passé avec lui, lui que je quémandais encore il y a quelques semaines ? 

Un vol d'étourneaux me change les idées et je fredonne Léo Ferré 
" Que sont mes amis devenus ? "

Chaque jour j'essaie de consoler par téléphone celles et  ceux de mes amis subissant la ville. 
La chape d'angoisse tenace qui les enferme dans leur inquiétude, dans leur lutte est difficile à ôter par ce biais des conversations. Alors, je prends des photos de tout, de rien, de ma pizza faite le matin même et du bouquet de jonquilles déposé par la voisine il y a deux jours, de ma pile de linge froissé qui attend d'être repassée, de mes chats aux pauses langoureuses, de tout ce qui vit ; je veux les faire sourire en partageant cela sur les réseaux dits sociaux ...
Dans les branches, les oiseaux vont et viennent, sautillent et préparent leurs nids comme si de rien n'était ; leur balancement me montre qu'on doit encore jouer. 
Ils ont la permission de voler et de nous faire rêver ; rien n'altérera cela pour eux ... 
C'est la première fois de ma vie que je voudrais être un oiseau ... 
Puisse la Nature être épargnée par l'angoisse, comme cette fillette que j'aperçois derrière sa fenêtre et qui joue avec une marionnette-chaussette probablement confectionnée à la hâte par sa maman ; je la trouve charmante avec ses ganses en velours rouge sans les cheveux et je me demande du coup ce que font mes anciens élèves.

L'écho de Michel Fugain résonne dans ma tête "Fais comme l'oiseau..." C'était il y a longtemps ; on savourait l'air libre à plein poumons.

Cette belle chanson de Léonard Cohen retentit aussi dans mes oreilles "Comme l'oiseau sur la branche..."
Je romps le silence comme on rompt le pain ; je chante, je fredonne, je vis et je redis à qui veut bien l'entendre ce verset rassurant de l'Evangile de Matthieu : 

"Regardez les oiseaux du ciel ; ils ne sèment ni ne moissonnent et n'amassent rien dans les greniers ; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux ?"

Je ferme les yeux et me laisse bercer par le bruissement des ailes dans le souffle frais du matin en pensant toutefois avec honte à mon coffre de voiture qui est rempli de nourriture...

Annick SB    Mars 2020

Thème d'écriture sur le blog " Treize à la douzaine liste 22 "

7 commentaires:

  1. Tu as de la chance d'avoir un balcon, ce n'est pas mon cas , de toute façon, je déteste le printemps alors aucun souci et il me le rend bien, c'est pourquoi, je suis à la lettre le confinement ( rires)

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    1. Oui oui, je suis vraiment chanceuse ! Perso j'aime toutes les saisons qui ont chacune un charme différent !

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  2. Bonjour Annick SB
    Il y a longtemps.. c'était hier .. et c'est maintenant l'instant présent !
    Dans quel film d'horreur sommes nous ? Avant .. mais bien avant nous ne pensions pas que certaines "espèces" puissent être enfermées.. confinées..Et par suite d'un virus sorti d'une boîte de pandore.. Que nos savants n'ont pas sus refermer nous voici IN Finé, confinés.
    Courage.. Cela passera

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    1. ça passera oui ... mais quand ???
      ça devient longuet pour beaucoup de personnes de mon entourage !

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  3. J'ai la chance d'avoir un jardin pour m'aérer les neurones et je plains tous ces gens cloîtrés dans leur petit appartement. contraste avec la pollution qui diminue et la population qui ne peut respirer cet air plus pur... ce monde irresponsable paie son dû.. il est vraiment temps de se ressaisir dans tous les domaines.

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  4. Je viens de remonter le temps de ton (mon) confinement, c'est super ! Mais c'est exactement ce que je ne saurais pas faire, n'ayant jamais réussi à tenir un journal plus d'un semaine ! Alors, la blague du vendredi, ça va ! ;)

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    1. Hihihi !!! Idem pour ce qui est du journal ! Mais là ça m'amuse chaque jour d'essayer de trouver quelque chose à photographier pour faire sourire mes mais !

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