En toute simplicité...





 Rembrandt Clic!  


Madame remet du bois dans le feu.

Pour ce faire, elle s’agenouille.

Elle est maladroite, enfin, c’est ce que monsieur lui dit souvent.

Elle n’aime pas les reproches, mais garde le silence lorsqu’ils adviennent, car elle est lasse des disputes et son esprit est ailleurs.


Madame remet du bois dans le feu.

Elle ne veut pas que son époux attrape un rhume ou une bronchite.

Elle le sait fragile.

Le froid est présent aujourd’hui.

C’est dans cette grande pièce que monsieur passe chaque jour des heures en profondes réflexions.

Il voudrait être sage.

Non pas comme une image, mais comme le roi Salomon.

Il est contrarié, car il n’y arrive pas.

Elle l’a bien vu ce matin encore dès leur réveil.

Sa tête était chiffonnée par ses mauvaises pensées.


Madame remet du bois dans le feu.

Veut-elle se faire pardonner ou souhaite-t-elle protéger monsieur en étant si précautionneuse?

Hier, elle lisant la Bible, elle a corné une page.

Cela n’a pas plu à monsieur qui n’a de philosophe que le nom !

Il a pesté.

Elle est sortie.

Parfois, trop c’est trop !

Il est le premier quand il s’agit de jongler avec les idées, mais c’est plus délicat pour lui de les mettre en pratique à la maison.

Il proclame souvent à qui veut bien l’entendre :

 

Vérité où te caches-tu?

Pardon, quel est ton ressort?

Espoir, t’es-tu envolé?

Souffrance, es-tu nécessaire?

Amours, n’êtes-vous que passagères?

Et Toi Seigneur, dis, quand reviendras-tu?

 

Et toute la journée il marmonne, il ronchonne…

Il est en proie à des tourments.

Il cherche, s’époumone à essaimer sa vérité et ne retombe jamais sur ses pieds.

Ses idées s’entrechoquent et la sagesse peine à se faufiler dans ses pensées liées à quelques auteurs du passé.

Il reste chagriné.

Il le sait.

C’est épouvantable.

Et puis la présence de madame à ses côtés, toujours sourire, toujours en paix est parfois lourde à supporter ; elle ne le fait exprès mais il pense parfois qu’elle le nargue avec sa joie renouvelée.

Quand il a découvert la page cornée, il a senti que cette blessure faite au papier lui était peut-être en fait destinée.

Voir cette cicatrice qui ne partira pas le rend triste certes, mais il a décidé de lire toute la page et de se laisser guider.

Il est comme ça monsieur, à la fois matérialiste et en même temps idéaliste, on le sait.

On pourrait penser qu’il reste attaché plus à l’objet qu’aux paroles prononcées.

Mais cette Bible leur a été offerte pour leur mariage.

C’était une belle noce et il aime toujours madame, alors se pourrait-il que cette page abimée soir le reflet d’une douce pensée cachée qui ne demande qu’à émerger ?

 

Madame remet du bois dans le feu.

Elle se moque un peu de la page cornée et trouve que monsieur exagère d’en faire toute une histoire.

Ce qui fait chavirer son cœur à madame, c’est la lecture, l’appropriation de ce que ce livre contient, ni plus ni moins.

Et ce matin, c’est ce verset qui l’a une fois de plus chamboulée, tout en haut d’une page de l’épître aux Éphésiens elle a lu et médité :

 

« En toute humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns les autres dans l’amour. »

 

Se pourrait-il que nous ne saisissions pas tout à fait notre mission sur terre?

Se pourrait-il que nous perdions notre temps en vaines réflexions et autres insolences face à ce qui nous est véritablement demandé?

Madame remet du bois dans le feu et prie en silence.

« Seigneur, viens aider mon mari à se détacher des objets à se concentrer davantage sur ce que Tu attends de nous ; libère-le de la sensation de perte et ravive tout simplement notre amour… »

 

Annick SB    avril 2021


Thème en image chez Adamante : Clic !


10 commentaires:

  1. La vie de couple, hier comme aujourd'hui, rien de neuf sous le soleil... ,-)

    RépondreSupprimer
  2. Bien choisi !
    Oui il faut se supporter les uns les autres et y mettre beaucoup d'amour.
    Bises du samedi

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bises de 2 ans et demi plus tard !!!! Gloups, j avais oublié de répondre aux commentaires....

      Supprimer
  3. Merveilleuses peintures ! Et très jolie histoire, bravo !

    RépondreSupprimer
  4. Et l'anar de dire : merci, Annick, pour ce que tu nous Livre, là.

    RépondreSupprimer
  5. Nourrir le feu pour ponctuer une vie de recherches croisées. Madame, Monsieur, une page cornée, que de pensées s'accrochent aux détails du quotidien dans ce cheminement existentiel.

    RépondreSupprimer
  6. Savoir vieillir à 2 ....

    RépondreSupprimer

Ecrire un commentaire