Je grimpe à l’échelle lentement en prenant bien soin de ne pas
regarder autour de moi. J’en suis au premier degré, j’en ai bien conscience.
J’ai le vertige.
Je n’ai pas peur de ce qui se trouve tout en haut, mais je
pense que mes pieds peuvent tout à coup se renverser et décider d’aller en bas,
tout seuls comme des grands, sans m’attendre, ni me demander mon avis.
Cela provoquerait une torsion.
Je n’aime pas me torde ; je n’aime pas la douleur.
Je suis toujours sur l’échelle ; je la gravis, traverse
par traverse.
Chemin, cascade, torrent, étendue de verts pâturages ; mes
petits petons tentant la progression.
Je grimpe en pensant aux cordes à nœuds des abominables leçons
de gym de mon enfance.
Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer.
C’est effrayant.
Il se pourrait que les barreaux s’effacent, disparaissent ou se
cassent à chacun de mes pas.
Il se pourrait qu’il y ait le vide dessous.
Il se pourrait qu’il n’y ait plus de dessous.
Il se peut également que l’ascension soit inévitable et permanente.
Je choisis cette option ; je me l’approprie.
Je ne vais quand même pas me laisser tirer vers le bas !
Il se peut donc que l’on ne touche jamais le fond.
C’est profond.
C’est ça la leçon !
Je le répète, puisque ça m’encourage :
Il se peut que je ne touche jamais le fond, il se peut que je ne touche jamais le fond…
Il se peut que l’ascension me fasse une telle sensation que je
m’envole et que j’attrape dans le vent quelques bribes de sagesse, quelques
zestes de passion !
Au fond, je grimpe en sachant pertinemment que je ne toucherai
plus jamais le fond.
C’est ça, je grimpe les barreaux de cette échelle, en souriant et en sachant qu’ils me libèrent du vertige.
...
Personne ne m’a dit si l’échelle était posée contre un mur,
contre un arbre, contre une porte de prison métallique, froide et lisse ou simplement
contre la quatrième de couverture de cet ouvrage que j’ai déniché par hasard moi
qui ne crois pas au hasard.
Ce soir, dans mon lit de nuages, en comptant les moutons, je
remercie le Ciel de m’avoir proposée la lecture de l’échelle sainte de St-Jean de Climaque…
Annick SB septembre 2024
Thème d'écriture " Grotesque ", proposé par Laura Vasquez à partir du livre :
" Nourrir la pierre " de Bronka Nowicka
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