J’ai depuis des décennies sur une étagère une tasse dont je ne me séparerai jamais.
Lorsqu’elle me tendit le paquet, j’eus le temps d’observer ses
mains, pleines de taches brunes et de petites rides serrées.
J’avais dix ans et à ce moment précis je sus que je voulais
vivre centenaire.
Je ne parlais pas encore allemand et savais juste dire
« Danke schön ! »
Je remerciais avec les yeux ; elle souriait avec le
cœur ; c’était un bon moment de partage.
Je détachais délicatement le ruban rouge qui fermait le
papier, et en sortit une tasse et sa soucoupe, une simple tasse que j’ai gardée
précautionneusement depuis tant d’années. Elle a paradoxalement quelque chose
d’original et de désuet ; ce qui me fascine ce sont les minuscules roses rouges
qui reposent sur un fond blanc orné d’écossais gris. Une faïence simple, sans
fioriture.
Elle n’a ni la taille de celles que l’on trouve dans les
services à café, ni non plus celle des tasses à thé classiques, non, elle est
entre les deux et selon la chanson de cour de récréation qui revient de temps à
autre dans ma tête :
« Entre les deux mon
cœur balance, je ne sais pas lequel aimer des deux…»
Tante Rosa aimait tout le monde ; mais particulièrement
son Epoux qu’elle partageait avec ceux qui Le suivent et même avec ceux qui ne
Le connaissent pas.
Tante Rosa était diaconesse dans un canton de Suisse allemande
et sa simplicité, son sourire, sa douceur étaient apprécié de tous.
Quand elle me fit ce cadeau, je compris que c’était un moment
de sa vie qu’elle m’offrait, celui de la détente, de la dégustation d’un
chocolat chaud ou d’un thé fumant. Celui de la pause dont chacun a besoin quotidiennement
et que nombreux oublient. Celui de l’attente et de la confiance.
J’ai fait un vœu, à dix ans : ne jamais me séparer de
cette petite tasse sans prétention.
Est-ce elle qui m’a donnée la passion des roses ?
Est-ce elle qui m’a invitée à lire les Ecritures ?
Est-ce elle qui m’a conviée au partage, aux discussions, aux
confidences, à la prière ?
Est-ce elle qui est à l’origine de l’élan d’amour et de
simplicité qui m’appellent ?
La tasse ou la tante ? La rose ou le prénom ?
L’émotion ou la passion que m’inspire encore ce souvenir
si doux ?
Peu importe !
J’ai depuis des décennies sur une étagère une tasse qui me remplit
d’amour…
Annick SB
Consigne d'écriture de Laura Vasquez - la banalité -
Les objets tout simples savent accrocher des souvenirs heureux à notre mémoire.
RépondreSupprimerChaque moment vécu est un bijou pour nos souvenirs.