À toi l’honneur !
Aujourd’hui,
j’ai sept ans. Il parait que c’est l’âge de raison.
C’est
ce que grand-mère me répète lorsqu’elle séjourne chez nous !
-
Quand tu auras atteint l’âge de raison, tu pourras… Et patati, et patata !
Elle
proclame également qu’elle a sept ans d’âge mental et ça la fait éclater de
rire : ce que dit grand-mère a toujours été sacré pour moi, alors je ris aussi !
Elle
m’a appris tant de choses ma mémé chérie ! Les deux plus
importantes sont l’observation et la patience.
À
chaque anniversaire, elle me gâte avec des cadeaux-surprises !
Papa
et maman les trouvent souvent bizarres ; ça les regarde ; moi, ils me plaisent
toujours.
Cette
année, elle n’a pas pu être présente le jour J. mais m’a tout de même offert un
gros paquet, arrivé par la Poste il y a quelques jours ; maman me l’a tendu au
moment du dessert, mais je n’ai pas voulu l’ouvrir tout de suite.
En
effet, ce matin, en terminant notre conversation téléphonique, mémé m’a
chuchoté une parole inaudible en me félicitant.
Je ne
sais pas très bien si elle a dit « Bonheur » ou « Honneur » ? Peu importe !
Je le
lui demanderai le 24 décembre ; il est en effet prévu qu’elle passe Noël chez
nous comme toujours. Elle arrive donc dans quelques jours. C’est chouette !
Si je
réfléchis bien, les conversations téléphoniques avec grand-mère c’est toujours
un peu étrange quand même ! Elle utilise des mots désuets, ou chantonne des airs inconnus ; je l’imagine lever
les yeux au ciel en reposant son combiné !
Grand-mère
adore le ciel et peut parler pendant des heures de ses mystères ; papa et maman
eux sont plus terre à terre ! « Ranger », « Manger », « Se dépêcher », voilà le
fond de leurs pensées !
Une
question traverse mon esprit alors que toute la famille entonne « Joyeux
anniversaire !». Pourquoi n’est-elle pas venue comme chaque année dès le début
des vacances scolaires pour nous aider à décorer la maison avant la fête ?
La
réponse est probablement dans le paquet-cadeau et c’est pour cette raison que,
malgré l’insistance de mes parents, et la déception de mes petites sœurs, je
n’ai pas voulu l’ouvrir devant toute la famille. Je sens qu’il y a une petite
complicité sous roche…
J’ai
donc préféré attendre de regagner ma chambre à la fin du dîner.
Grand-mère
dit que l’enfance, c’est précieux mais que ça passe trop vite ; alors, je
prends mon temps. Je savoure chaque seconde en toutes circonstances et tous
lieux.
Je
collectionne les boîtes à chaussures depuis que je suis toute petite ; j’en ai
déjà douze !
Elles
me permettent de garder mes objets préférés et quelques souvenirs de vacances
ainsi que mes poèmes, dessins, plumes, perles, et tout mon matériel d’arts
plastiques.
Parfois,
je soulève le couvercle de la plus jolie boîte que je possède (c’est moi qui
l’ai peinte avec des belles fleurs) et je rêvasse en contemplant tout ce
qu’elle contient ; j’imagine que les petits objets s’animent et je les fais
même parler !
Je
suis donc montée dans ma chambre après le repas et j’ai ouvert son cadeau.
Qu’est-ce
que grand-mère a bien pu choisir pour moi cette année ?
Après
avoir soulevé le papier bulle, j’ai attrapé une enveloppe blanche sur laquelle
était écrit en grosses lettres dorées :
À toi
l’honneur !
C’est
peut-être cela qu'elle m’a dit par téléphone ce matin. A l’intérieur, une jolie
carte d’anniversaire classique.
J’ai
lentement découvert ce que contenait le paquet en sortant les objets un par un.
- Une feuille A4 de papier doré
- Un petit rouleau de kraft
- Du papier aluminium
- Des tubes de gouache marron, bleu-nuit
et gris souris ainsi qu’un large pinceau
- Une poignée de minuscules galets
- Un tube de colle forte
- Un fagot de brindilles
- Une petite taraïette assortie d’un
sachet de lentilles
- Un peu de mousse qui sent bon la forêt
Et
tout au fond du carton, soigneusement emballée, il y avait une vieille boite en
bois nouée par un large ruban de velours vert foncé. J’ai précautionneusement
détaché le ruban qui a immédiatement regagné les autres ganses et cordons que
je garde.
Je les
utilise pour confectionner des habits de poupées pour mes petites sœurs et des
doudous pour Moustache mon chat.
A
l’intérieur de cette boîte, j’ai découvert avec une immense joie, « Le »trésor, « Son » trésor :
Une
cinquantaine de précieuses figurines d'argile délicatement enveloppées dans du
papier de soie, qui dormaient sur un lit de coton !
Je
n’en revenais pas ! Grand-mère venait de m’offrir Sa collection !
Une
fois le tout posé sur le bureau, je me suis allongée sur mon lit, émue et
fière, et j’ai fermé les yeux en souriant.
Quel
bonheur !
Oui,
vraiment, grand-mère s’y connaissait en douces et délicates surprises et cette
année encore, j’étais aux anges.
Je
l’ai remercié intérieurement pour cette attention si particulière et pour la
confiance qu’elle me faisait.
Je
répétais en boucle « À toi l’honneur, ! », « A toi l’honneur ! » … » et ça me
faisait rire aux larmes.
J’ai
rouvert les yeux et ai commencé à imaginer le décor que j’allais fabriquer le
lendemain grâce au contenu du cadeau.
J’ai
peu de temps mais je vais y arriver. Vous n’allez pas être déçus, car je vais
m’appliquer au-delà de ce que vous pouvez imaginer !
Je
prends mon rôle très au sérieux. J’ai
sept ans maintenant !
Je
vais vous dire un secret :
Pour
remercier grand-mère de tant d’amour, de tant de bonheur et de confiance, cette
fois-ci, le 24 à minuit, c’est moi qui lui tendrai l’Enfant Jésus pour qu'elle
le place dans le décor de crèche que je vais confectionner, en lui disant :
- À toi l’honneur !
Quel
bonheur !
Annick SB
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ecrire un commentaire