La fille du Roi c’est moi...


La fille du Roi c’est moi


Au début, je ne le savais pas

En toute simplicité je vais vous narrer ce qui m’est arrivée avant que je trouve la couronne

C’était il y a longtemps

J’ai aimé les crudités et les baisers, le farniente et les colliers en perles de rocaille qui me donnaient un air stylé

J’ai aimé les rochers et la mer qui s’y frottait ; le sel sur ma peau et l’odeur de la crème à bronzer

(Je détestais les oursins mais ça c’est un détail car on ne m’a jamais forcé à en manger)

J’ai apprécié les poésies classiques, la littérature compliquée, les débats enflammés, la politique, les grasses matinées, 

les rires à gorge déployée

J’ai détesté la force

La vôtre - La leur - Celle qui fait peur,

Celle qui me clouait (je ne sais plus si c’était sur un tapis, sur le coin d’une table ou ailleurs)

J’ai haï vos blagues lourdes, salaces, démesurément ignobles et je voulais presser vos cordes vocales jusqu’à votre dernier souffle pour vous faire taire

Mais je ne l’ai pas fait, c’est vrai, et quelques fois je vous entends encore railler ; alors je bouche mes oreilles pour ne pas crier

J’ai vomi vos gestes déplacés, votre haleine, vos pulsions

Et puis j’ai digéré

S’en m’en rendre compte, sans y être obligée


Un jour, j’ai tellement souffert, que je me suis réveillée et j’ai décidé d’avancer


C’est comme cela que tout a commencé…

D’abord j’ai rêvé

J’ai rêvé que j’étais née dans un Royaume, que j’étais riche du passé et pas seulement blessée, que tout pouvait se transformer, que je n’étais pas obligée

Ensuite j’ai osé

J’ai osé changer mes pensées, couper la tête à ma violence et enterrer vos coups d’épée

Et puis je me suis métamorphosée et j’ai glissé dans le Royaume

La fille du Roi c’est moi

Et en toute simplicité je vais vous narrer mon quotidien depuis que j’ai mis une couronne

*Avancer tout d’abord

Je marche des heures entières à la recherche des détails qui embellissent tout

Les cailloux en forme de cœurs, la mousse humide qui sourit, les colimaçons cachés dans les pierres, les gouttes d’eau transformés en perles, les pistils prêts à décoller, les trèfles de la Trinité, les gouttes de rosée…

Je marche et je chante, en silence, mais constamment

La louange m’habite véritablement

J’ai quelques manies, c’est vrai et je ne les cache pas, bien au contraire car elles deviennent qualité dans ma royauté

*Prier tout doux

*Psalmodier

*Lancer des écorces dans la rivière et les observer s’éloigner

*Garder les pépins des pommes et des poires dans un lieu secret

*Photographier les roses

*Broder

*Ecrire des listes de mots, de titres, de prénoms

*Recopier des versets, celui-là en particulier :

"Je te donnerai les clés du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre aura été lié au ciel et ce que tu délieras sur la terre aura été délié au ciel."

A ce sujet je tiens à vous dire que mon Royaume est une belle Roseraie : parfum, couleurs, texture des pétales et même quelques fois un petit clin d’œil du Roi, rien que pour moi ; tout y est et bien sûr j'aime le partager !

Vous ne me croyez pas ?

Alors regardez, la voilà la Vérité de mon Royaume enchanté...




Annick SB    09/11/2024


Thème d'écriture chez Laura Vasquez : Raconter une vie

Les vagues frappent...

 


Les vagues frappent

Je ne sais pas si j’avais bu un verre de trop, si j’avais besoin de changer mes lunettes ou si tout simplement je divaguais, choquée et apeurée sur les quais 

Mon regard s'est porté sur la corde ficelle qui tenait le bateau amarré, le muret en ciment qui mentait sur l’âge des passants adossés, la rouille de la chaîne, celle qui déchaine les passions éphémères et qui rouspète quand elle rompt

Les vagues frappent

Les hommes aussi

...

Je ne sais pas si j’ai bu un verre de trop mais j’ai vu double et je suis tombée à la renverse dans la traverse, près du port, abîmée comme le sont les cuisses des péripatéticiennes qui survivent grâce aux persiennes et aux mots doux qu’elles n’entendent jamais

 

J’ai eu envie d’hurler pour toutes les femmes maltraitées

De crier ma rage pour celles qui travaillent sans moufter

Envie que ça déménage, qu'on cesse

Envie aussi de défoncer le crâne de toute cette abjection en caleçon, mais je ne savais pas les prénoms

L’état civil avait caché les listes

Alors je me suis tue

 J'ai avalé mes sanglots et j'ai voulu achever ce qu'ils avaient commencé

J’ai senti ce sentiment vain, qui vint quand on finit de cracher

Le sang que ma bouche tordue ne pouvait contenir s’est dissipé sur le parapet

J’ai vomi

J’ai pleuré

Au son de leurs voix j’ai frémi et désiré partir moi aussi de l’autre côté de la rive

Je voulais les accompagner mais je ne savais pas nager

J’ai inspiré une dernière fois et j’ai plongé dans cette mer acier qui m’a encerclée en silence


Je ne sais pas comment tu as fait pour me repêcher


Je ne sais pas si j’avais bu un verre de trop, si j’avais besoin de changer mes lunettes ou si tout simplement je divaguais, choquée et belle sur les quais

Longtemps après avoir enjambé la passerelle défoncée sur laquelle tu m'avais hissée

Sûre de pouvoir retrouver un jour quelques précieuses traces de ton appui

J'ai lancé un court appel 

De toutes les forces qui me restaient

Dominant la paresse

Effaçant la terreur

J'ai gratté avec mes ongles la petite trace de rouille qui dénotait dans ce lieu maudit en formant un cœur rouillé




Annick SB    novembre 2024


Je suis dans un drôle d'état...

 

Je suis dans un drôle d’état

Je vole

Je viens de relire « la métamorphose » et comme je vois la vie en rose, je ne suis pas devenue un insecte rampant

 

Je suis dans un drôle d’état

Je chante

J’écoute « Jésus que ma joie demeure » et je me plais à fredonner la si belle mélodie.

 

Je suis dans un drôle d’état

Je sème

Comme je suis et reste gourmande, j’attrape plusieurs graines à la fois et je les lance aux quatre vents en ouvrant portes et fenêtres 

 

Je suis dans un drôle d’état

Je guide

Je viens de lire son texte désespéré et je prépare une réponse qui la remette sur le chemin du désir

 

Je suis dans un drôle d’état

J’apporte

Je viens de croiser mon voisin, surpris par le torrent de boue et la montée des eaux soudaine et périlleuse ; je lui offre tout mon soutien d’un cœur sincère

 

Je suis dans un drôle d’état

J’espère

 

Colombe libre,

Oiseau de paix,

Passionnée,

Transmettant à tire d’aile, la véritable bonne nouvelle, en sifflotant tout simplement...


Annick SB      octobre 2024



Pablo Picasso 

D'où vient la colombe de la Paix : Clic !





Thème d'écriture de Laura Vasquez


New York

 




Dans le taxi qui m’amène à l’aéroport

La pluie cache mes larmes

Je photographie tout ce que je vois en traversant New York

Les passants pressés

Les clochards défaits

Les riches guindés

Les trottoirs crottés

Et je me demande pourquoi

Tant de gens désirent voir ça !

 




Dans le taxi qui m’amène à l’aéroport

Mes larmes se mêlent aux gouttes de pluie

Je vois tout flou

Et tout à coup je l’aperçois et il me redonne le sourire

C’est un challenge que je me suis fixé

Tous les photographier

 



Dans le taxi qui m’amène à l’aéroport

Mon sourire renaît

Lorsqu’au coin d’une rue bondée

Je peux enfin le photographier

Le petit chaperon rouge newyorkais !




 

Annick SB        Octobre 2024

Thème chez Plumes chrétiennes : Ecris la ville 


La tasse...

 J’ai depuis des décennies sur une étagère une tasse dont je ne me séparerai jamais.


Lorsqu’elle me tendit le paquet, j’eus le temps d’observer ses mains, pleines de taches brunes et de petites rides serrées.

J’avais dix ans et à ce moment précis je sus que je voulais vivre centenaire.

Je ne parlais pas encore allemand et savais juste dire « Danke schön ! »

Je remerciais avec les yeux ; elle souriait avec le cœur ; c’était un bon moment de partage.

Je détachais délicatement le ruban rouge qui fermait le papier, et en sortit une tasse et sa soucoupe, une simple tasse que j’ai gardée précautionneusement depuis tant d’années. Elle a paradoxalement quelque chose d’original et de désuet ; ce qui me fascine ce sont les minuscules roses rouges qui reposent sur un fond blanc orné d’écossais gris. Une faïence simple, sans fioriture.

Elle n’a ni la taille de celles que l’on trouve dans les services à café, ni non plus celle des tasses à thé classiques, non, elle est entre les deux et selon la chanson de cour de récréation qui revient de temps à autre dans ma tête :

« Entre les deux mon cœur balance, je ne sais pas lequel aimer des deux…»

Tante Rosa aimait tout le monde ; mais particulièrement son Epoux qu’elle partageait avec ceux qui Le suivent et même avec ceux qui ne Le connaissent pas.

Tante Rosa était diaconesse dans un canton de Suisse allemande et sa simplicité, son sourire, sa douceur étaient apprécié de tous.

Quand elle me fit ce cadeau, je compris que c’était un moment de sa vie qu’elle m’offrait, celui de la détente, de la dégustation d’un chocolat chaud ou d’un thé fumant. Celui de la pause dont chacun a besoin quotidiennement et que nombreux oublient. Celui de l’attente et de la confiance.

J’ai fait un vœu, à dix ans : ne jamais me séparer de cette petite tasse sans prétention.

Est-ce elle qui m’a donnée la passion des roses ?

Est-ce elle qui m’a invitée à lire les Ecritures ?

Est-ce elle qui m’a conviée au partage, aux discussions, aux confidences, à la prière ?

Est-ce elle qui est à l’origine de l’élan d’amour et de simplicité qui m’appellent ?

La tasse ou la tante ? La rose ou le prénom ?

L’émotion ou la passion que m’inspire encore ce souvenir si doux ?

Peu importe !


J’ai depuis des décennies sur une étagère une tasse qui me remplit d’amour…

 

Annick SB





Consigne d'écriture de Laura Vasquez - la banalité -