Détente...

 


Le douanier Rousseau : Clic !



Certains n'ont jamais aimé l'école, surtout quand on y allait le samedi matin.

Dans ma classe, nous étions plutôt sages comme des images et studieuses par crainte des parents, par respect de l’enseignante ou peut-être aussi par souci d’émancipation à venir.

Le samedi était ma matinée préférée. On commençait par une interrogation sur le cahier de contrôles. Cela ne durait pas longtemps ; il en fallait peu à madame Artys pour déceler nos lacunes. Une dictée de quelques lignes, une phrase à décomposer, quatre opérations et un mini problème ! Le tour était joué ! La matinée de détente s’offrait à nous …

Ce qui était génial c’est que madame Artys aimait nous faire des surprises.

Parfois elle mettait un chapeau melon à l’envers sur son bureau, rempli d’étiquettes ; chaque élève venait piocher un mot, l’écrivait au tableau et à nous l’imagination ! Nous avions quartier libre pour écrire un texte, dessiner ou miner à partir de mots que nous choisissions ! « Pas plus de cinq », disait-elle. « C’est comme les doigts de la main ! »

Quel bons fou-rire ensuite à la lecture de nos récits ou à la contemplation des œuvres d’art !

D’autres fois, c’était les exposés qu’elle nous proposait de faire sur notre thème préféré : les animaux.

Je me souviens de Fabienne, grande rêveuse qui imaginait des expéditions dans de grands espaces et qui trouvait toujours des choses à nous apprendre ; elle avait vraiment cherché dans les encyclopédies celle-là pour être si précise sur les espèces !

Corinne, passionnée de mammifères marins, nous en avait appris un rayon sur toutes leurs différences.

Et Sylvie, camarade très discrète et polie, connaissait tous les noms d’oiseaux de la planète ainsi que leurs chants. On ne moquait d’elle en la nommant « Miss Volaille »

Mais, je m’égare dans tous ces bons souvenirs alors, revenons à ma surprise préférée :

Certains samedis, une affiche ou reproduction d’art était aimantée au tableau, cachée par des morceaux de Canson de différentes couleurs.

On ôtait une à une les feuilles et apparaissait une belle toile de maître que l’on pouvait reproduire en peinture ou aux crayons de couleurs.

Quand nous avions fini notre dessin, madame Artys devenait alors conteuse. Moi, je fermais les yeux et nous buvions ces paroles :

« Les lionnes, étonnées de ne plus rien entendre, s’étaient arrêtées dans la jungle. Elles tournaient la tête, à droite puis à gauche. Il en fallait de la patience à ces mères voraces pour attendre les proies qui nourriraient leurs lionceaux. Mais, elles le savaient, les gazelles ne tombent pas du ciel !

Ce matin-là, aucune proie à l’horizon, mais une odeur, une odeur particulière et inconnue. La truffe de la vielle lionne humait lentement de grandes bouffées d’air en inspirant un parfum délicieux ; ce n’était pas du numéro 5 non, ni même une eau de Cologne, c’était l’odeur d’une douce chair fraîche, le parfum délicat d’un bébé.

Une amie de la lionne, cette Baguera légendaire qui habitait un autre continent, et dont tout le monde avait entendu parler dans la contrée avait déjà expliqué que parfois, les jeunes humains étaient abandonnés en forêt ; mais jusqu’à présent, aucune des deux lionnes n’avait fait cette surprenante rencontre… »

Elle en connaissait un rayon en œuvres d’art, madame Artys ! A croire qu’elle avait travaillé dans un musée avant d’être institutrice. Certains parents disaient même qu’elle était « peintre du dimanche » à cause de ses mains très souvent colorées le lundi matin. Je n’ai jamais osé lui demander si c’était vrai.

Une chose était certaine, c’est que la voix de la maîtresse me berçait, me transportait, m’enchantait ; elle nous faisait voyager dans des contrées lointaines, elle décrivait les moindres détails, donnait le nom de plantes extraordinaires et tout semblait devenir réel, vivant. 

Quel merveilleux rêve !

Pour nous qui n’avions jamais quitté notre quartier, quelle aubaine c’était !

 

Annick SB     février 2021

 Les autres participations se trouvent chez Adamante : Clic ! 

 


4 commentaires:

  1. Comme j'aurais aimé avoir ce genre d'institutrice dans ma jeunesse malheureusement , ( à part une) ce ne fut pas le cas Pour ce qui est de la toile, je ne l'ai pas trop regarder, il y a trop de vert et même si cette couleur est moi avons fait la paix, il ne faut pas exagérer ( rires)

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    1. J'aime pas trop cette toile non plus mais c'était le sujet ! Quant aux instits, des encyclopédies pourraient s'écrire à leur sujet ... pliée !

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  2. Bonsoir Annick,

    J'ai découvert bien tard ta participation sur la page de l'Herbier. Et ton histoire m'a beaucoup plu. Elle m'
    a ramenée au temps de ma première institutrice, Mlle Leconte. Elle était si gentille, si pédagogue.
    Bravo et merci pour ce plaisir de lecture
    A bientôt
    ;)

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    1. Merci à toi pour ton passage et ton gentil mot !
      Bonne semaine et à bientôt !

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