Les vagues frappent
Je ne sais pas si j’avais bu un verre de trop, si j’avais besoin de changer mes lunettes ou si tout simplement je divaguais, choquée et apeurée sur les quais
Mon regard s'est porté sur la corde ficelle qui tenait le bateau amarré, le muret en ciment qui mentait sur l’âge des passants adossés, la rouille de la chaîne, celle qui déchaine les passions éphémères et qui rouspète quand elle rompt
Les vagues frappent
Les hommes aussi
...
Je ne sais pas si j’ai bu un verre de trop mais j’ai vu double
et je suis tombée à la renverse dans la traverse, près du port, abîmée comme le sont les cuisses des péripatéticiennes qui survivent
grâce aux persiennes et aux mots doux qu’elles n’entendent jamais
J’ai eu envie d’hurler pour toutes les femmes maltraitées
De crier ma rage pour celles qui travaillent sans moufter
Envie que ça déménage, qu'on cesse
Envie aussi de défoncer le crâne de toute cette abjection en caleçon, mais je ne savais pas les prénoms
L’état civil avait caché les listes
Alors je me suis tue
J’ai senti ce sentiment vain, qui vint quand on finit de
cracher
Le sang que ma bouche tordue ne pouvait contenir s’est dissipé sur le parapet
J’ai vomi
J’ai pleuré
Au son de leurs voix j’ai frémi et désiré partir moi aussi de
l’autre côté de la rive
Je voulais les accompagner mais je ne savais pas nager
J’ai inspiré une dernière fois et j’ai plongé dans cette mer
acier qui m’a encerclée en silence
Je ne sais pas comment tu as fait pour me repêcher
Je ne sais pas si j’avais bu un verre de trop, si j’avais besoin de changer mes lunettes ou si tout simplement je divaguais, choquée et belle sur les quais
Longtemps après avoir enjambé la passerelle défoncée sur laquelle tu m'avais hissée
Sûre de pouvoir retrouver un jour quelques précieuses traces de ton appui
J'ai lancé un court appel
De toutes les forces qui me restaient
Dominant la paresse
Effaçant la terreur
J'ai gratté avec mes ongles la petite trace de rouille qui dénotait dans ce lieu maudit en formant un cœur rouillé
Annick SB novembre 2024
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