Auguste Renoir
La quinzaine de mots devait être piochée dans le sachet
béant qui gisait sur la table après que l’horloge eut sonné les quinze coups de
quinze heures
C’était précis
Détachée, tu enfouissais ta main dans le tissu et avant de saisir une étiquette, tu remuais
quelques instants, juste pour le plaisir, en pensant à ce que tu piocherais
peut-être, imaginant comme toujours ce que tu allais écrire, cela va sans dire
Tu adorais ce jeu
C’était comme un scrabble mais en plus merveilleux
Tu aimais jouer avec les lettres, les mots, et la vitesse de
tes pensées te faisait espérer un poème
Ton
poème
Celui que tu aurais aimé lire et que tu griffonnais pour qu’il
existe parce que personne n’avait pensé à le murmurer et qu’il avait envie de
naitre
…
Il est facile d’écrire quand la nuit tombe et que les
étoiles commencent à s’immobiliser dans le ciel mais cela parait plus compliqué
quand le clocher sonne les trois coups de quinze heures et que tu attends, desséchée
la promesse du temps
D’ailleurs, qui t’a recommandée ?
Qui t’a hissée ?
Qui t’a propulsée à cette place, à cette table, à cet
endroit précis où le sachet est posé et attend ?
Tu n’en sais rien
Tu es sous le chêne et tu entends la réplique des cloches
Il est temps maintenant que tu pioches et re-pioches en
comptant
Quinze
Pas un mot de plus
Tu voudrais le soutien de ceux qui t’aiment et tu réalises
qu’ils sont évaporés
Personne n’arrive à
saisir le désir que tu fais naître en ce lieu.
Tu l’espères
Tu le sens
Son haleine t’imprègne, son silence t’entoure, son souffle
t’élève, sa Vie te fait vibrer et son aquilon te fait voyager dans le temps,
dans l’espace
Tu ne le nommes pas car il est, Il est, IL EST en toi, par
toi, pour toi et pour l’humanité, simplement
Créateur du beau et de tout ce qui fait vibrer ta peau et
tes pensées
Vivant
Tu te promènes sur les nuages de louanges, effilochant les
phrases et semant dans les plaines fertiles des champs de fleurs sauvages et
puis sur les vallons des moutons qui ronronnent
…
Tu es libre
…
Oui, là, à quinze heures précises, assise sous ce chêne, tu
es libre de dire et de crier la Vie
Libre de poésie sans rime et sans reproche
Libre d’aimer les mots et de les balloter de partage en
partage sans savoir où cela mène
…
Il ne faut jamais s’effrayer
des circonstances
Quelque chose te dit que ce mot ne peut plus faire partie du
poème et pourtant tu l’as entre les mains
Tu hésites, tu ne sais qu’en faire
Le jetteras-tu ?
Deviendra-t-il rature ?
Je crois que tu décides de ne plus froisser ni les
personnes ni les choses ; tu le
répètes à vive allure et il prend déjà le chemin des oubliettes !
…
Quatorze mots en main, tu te lèves et avide d’ambiance
passionnée, t’approches de l’allée et cueilles sans te blesser une rose et
quelques feuilles de laurier pour broder leur parfum sur les bords du poème…
…
Ton
poème …
(Aujourd’hui
je pense à ma mère qui n’est plus et dont je fête pourtant l’anniversaire ;
elle aurait aimé lire ce poème et tous les vôtres aussi …)
Annick
SB janvier 2018
Consigne " Tous poètes " chez les Impromptus
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