Les petits points...

 



L’autre jour la princesse Lucia en personne est venue me chercher aux champs.

Je crois que je l’attendais. Peut-être pas elle précisément bien sûr, comment aurais-je pu, mais ce moment, cet instant précieux où, les choses changent, simplement sans crier gare, concrétisant notre espérance…

Le vent avait défait mes nattes et ma coiffe s’était envolée sur la terre, mais je n’ai pas eu honte d’être ainsi accoutrée devant elle et j’ai compris tant de choses quand je l’ai vu faire sa révérence …

Nous allions vivre des moments de bonheur, toutes les deux ; une amitié que rien ne présageait aller poindre, comme le fait le soleil le matin sur la cime des arbres. Il glisse à travers les nuages, se faufile sans bruit, discret mais bien présent et l’obscurité s’éloigne. 

Un renouveau, tout doux, tout beau.

 

J’ai compris que pendant quelques instants s’effaceraient nos différences.

D’ailleurs, le sommes-nous véritablement différentes ?

Pas vraiment si j’en crois ce que l’abbé nous apprend.

C’est un drôle de bougre qui n’a qu’un mot à la bouche « âme ».

Il nous appelle à l’amour et il y croit vraiment.

Il est gentil, et ne suit qu’une ligne dans sa vie : la Grâce.

Quand il prononce ce mot, ses paupières se ferment et son cœur bat plus fort.

 

Souvent, il apostrophe les gens à l’église lors de ses sermons :

 

-        Quelle âme vous habite, vous qui méprisez votre prochain ?

 

Certains dimanches, il s’inquiète pour nous :

 

-        Que deviendront nos âmes si nous ne changeons pas ?

 

Et parfois, il se prend même pour un poète en chantonnant :

 

-        Que sont les âmes devenues, que j’avais de si près tenues et tant aimées ? *

 

Ce matin, pourtant, ce moment de bonheur a failli être froissé par la dame de compagnie de Lucia ; j’ai entendu qu’elle lui disait :

-        N’avez-vous pas peur que Philippine commette un vol dans votre chambre ?

  

Un vol ! Elle ne sait pas la pauvre que l’or et l’argent ne m’intéressent pas. Que pourrais-je voler qui me soit vraiment utile dans ce château ?

J’étais heureuse d’entendre Lucia lui répondre :

-        La médisance est basse Cunégonde ! Reprenez vous !

 

Nous avons brodé aujourd’hui ; Lucia voulait que l’on brode nos initiales. Moi je ne savais pas ce que c’était que nos initiales alors j’ai voulu fleurir mon mouchoir.

J’aime broder ; c’est comme une caresse que l’on fait au tissu, comme une promesse que l’on grave à tout jamais. Lucia a des fils de toutes les couleurs et elle m’a fait choisir.

J’ai pris quelques aiguillées, violettes, vertes et j’ai orné le tissu de jolies fleurs qui sentent bon …

Ce soir, quand je vais m’endormir dans la masure, je penserai à ces petits points enchanteurs…

 

Annick SB   mars 2021

Vous pouvez lire le début de l'amitié de Lucia et Philippine ici : Clic ! 

Thème d'écriture chez Evy : Clic ! 

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9 commentaires:

  1. Il est magnifique ce mouchoir brodé petite j'en avais c'étais le dimanche pour aller à la messe jolie tes mots passe une bonne soirée bisous

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    1. Merci Evelyne pour les thèmes que tu proposes sur ton atelier ! à bientôt !

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  2. Une très belle histoire d'amitié naissante entre deux personnes de conditions différente : Ce n'était pas si courant autrefois
    Très intéressante participation qui ressemble au début d'un roman

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    1. Merci ! Un roman non, je n'en suis pas encore là dans mon processus d'écriture !
      Mais je vais tenter plusieurs petits paragraphes avec ces personnages avec les sujets d'Evy ?
      Bon dimanche !

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  3. C'est une bonne amitié bien décrite !

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  4. Bonjour Annick SB,
    Tout d'abord un peu déroutée par le texte, j'ai vite compris qu'il s'agissait du thème des moments de bonheur du défi d'Evy. Je trouve que c'est une approche vraiment intéressante et j'ai eu grand plaisir à lire ce texte chargé d'émotions et d'anecdotes...
    Et un très grand bravo pour la broderie de ce magnifique mouchoir. J'adore !
    Aquarella

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    1. Hélas ce n'est pas moi qui ai brodé ce mouchoir !
      Il y aura une suite à ces deux premiers écrits !
      à bientôt !

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  5. Bonjour Annick. C'est une belle histoire que je reviendrai lire.

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